[ Entre ciel et terre ]

Etait-ce un hasard, ou une coïncidence voulue ? Il faisait froid ici... La neige était tombée en abondance. Ca ressemblait tant à... A chez lui. Déjà, il lui semblait entendre au loin l’écho des chiens, de leurs aboiements fougueux. Il entendait également les cris des mushers, ces maîtres chiens si particuliers. Il entendait le bruit caractéristique du glissement des traîneaux... Il lui sembla même entendre sa voix, au plus profond de lui...

Je me retourne alors, brusquement. La déception me fit plus mal encore que je n’aurais pu l’imaginer. L’espace d’un instant, j’y avais réellement cru. J’avais réellement pensé que je te reverrai, que tu viendrais vers moi, que tu m’emmènerais chez toi, pour ne plus jamais me perdre. Mais seul un léger souffle du vent, le hululement d’une chouette lointaine me répondit. Mais ce vide dans mon esprit se fit plus lourd encore. La solitude était si pesante, aura-t-elle raison de moi ? Ici, tout est si sauvage, semblable à mon souvenir. Mais ce n’est plus pareil, rien n’est pareil. Je suis seul, je suis abandonné. Je sais déjà que je vais perdre la raison, devenir fou. Si la faim, ou le désespoir ne me prend pas avant !

D’un élan rageur, il se mit à courir comme jamais il ne l’avait fait. Il voulait courir jusqu’à tomber d’épuisement, sentir la douleur physique plutôt que mentale. Et finalement, se défouler les pattes ne lui ferait pas beaucoup de mal...

Les pattes de Yûki foulaient doucement la froideur douce et piquante à la fois de la neige, ce blanc immense qui enveloppait la montagne. La petite louve jeta un regard circulaire autourr d'elle. Il faisait froid ici. De petits nuages de vapeur s'échappaient de sa gueule lorsqu'elle expirait. Si sa fourrure blanche la protégeait du temps glacial, il n'en allait pas de même pour ses coussinnets, complètements gelés. Yûki s'assit dans la neige et jeta un regard contrarié à ses pattes, avant de lever le nez vers le ciel, le haut de la montagne. C'était par là qu'elle était passée pour venir ici, avec sa mère, il y avait si longtemps...
Yûki lâcha un leger soupir embué et lança un regard circulaire autour d'elle. C'était alors qu'elle l'aperçut. C'était un loup ? Un loup étrange, alors... Blanc et noir, qui courait dans la neige. Yûki n'avait jamais vu de chien. Elle avait entendu parler des clans ennemis, du Soleil et des Etoiles, mais elle n'avait jamais pensé que leurs membres pouvaient ne pas être des loups. La petite se redressa et lança un jappement étrange. Qu'est-ce qu'il faisait là, ce loup, tout seul dans la neige ? Elle ne pensait pas le connaître, ne l'avait en tout cas jamais vu...

Ce fut un jappement, oui, un jappement étrange qui attira mon attention. Malgré le bruit de mes pas, la neige qui craque sous mon poids, ou les branches qui se fendent, je l’ai entendu. Si étrange, il ne ressemblait à aucun des jappements que j’avais pu entendre dans ma vie, et j’en avais entendu par centaines... Je me retourne alors, dans un geste si brusque qu’un léger nuage de cristaux blanc m’enveloppe. Quand celui-ci fut enfin dissipé, je le vis. Ce loup. Je n’en avais jamais vu. Peut-être parce qu’ils étaient déjà tous partis ? Je reste figé, telle une statue de marbre. Mon regard n’exprime rien, absolument rien. Je cherche le tien, belle louve. Je le croise, tu sembles exprimer la même surprise que moi. Tu n’es pas vraiment plus différente des chiens... Seulement plus grande peut-être, plus sauvage aussi... Je sais que tu n’as sûrement pas connu la douceur du feu de bois en plein hiver, ou les douces caresses d’un bon maître. Je me rends compte à présent combien la vie sauvage est difficile, et je ne peux que te tirer mon chapeau, belle louve...

Le grand mâle avance, d’un pas lourd, mais déterminé. Jamais, durant les secondes qui suivirent, il ne baissa les yeux. Jusque là, il s’était surtout préoccupé de sa petite vie, de ces humains, si incompréhensibles. Jamais, l’idée de croiser ces chiens étranges, au pelage feu ou ces autres chiens, qu’il voyait pour la première fois ne lui avait traversé l'esprit.

- Dis-moi, comment devons-nous nous comporter ? Dois-je t’ignorer, te sauter à la gorge, ou simplement te considérer comme un chien ?

A quelques mètres de toi, je m’arrête, plongeant mon regard au plus profond du tien.

Yûki soutînt le regard (bleu ?) du mâle, la tête haute et une lueur de fierté dans ses yeux gris. Elle les y laissa quelques secondes, puis les orienta ailleurs pour détailler l'animal de la tête au pied. Sans que ce soit une marque de soumission, la petite louve trouvait stupide de rester trois heures plantés là les yeux dans les yeux sans rien faire. Les taches noires sur le pelage blanc du mâle l'intriguaient... elle n'avait jamais vu ce genre de taches sur un loup. Sa propre robe était blanche et grise, mais un loup tacheté de la sorte, c'était à sa connaissance, impossible.
Donc, ce n'était pas un loup. Les paroles qu'il prononça renforça Yûki dans cette idée. Il parlait d'une race qu'elle ne connaissait pas, et lui demandait s'ils devaient se battre ou non. Yûki s'assit dans la neige et posa à nouveau ses beaux yeux d'un gris perle innocent sur son vis-à-vis :

- Je ne vois pas pourquoi nous nous battrions. Nous sommes en terres libres, ici.

La louvette agita pensivement les oreilles.

- De toute façon, je n'aime pas me battre.

C'était vrai. D'ailleurs, Yûki n'aimait ni la violence, ni les mensonges. Elle aimait la franchise. Aussi n'allât-elle pas par quatre chemins et posa directement sa question au mâle, la tête légèrement penchée vers la gauche comme chaque fois qu'elle se demandait quelque chose.

- Tu es quoi, en fait ?

[T'as un sujet avec moi ? ah boooon ? *complètement à coté de ses pompes*, moi je suis d'accord pour que tu viennes, après demande à Yuda-kun (xD) ]

[ Yuda-kun ? xD Oui, viens squatter, j'attends ta réponse, Bella, puis je répondrais, et Yuki, on fait comme ça ? ]

Je suis gelée. J'ai déjà vu de la neige une fois mais là, il fait vraiment froid. Brrr, mes pattes sont des glaçons j'ai même du mal à ne pas piétinner. Ces poils entre les coussinets, c'est vraiment pas pratique. Pourquoi je peux pas les couper toute seule ? Il me les coupait lui quand il faisait trop froid et que ça gelait, je trouvais ça pénible mais finalement, c'était bien pratique...

Yudashi. Oh, non...

Qu'est-ce que tu fais là ? Est-ce que tu lui parles ? Tu m'as si peu parlé, à moi.

Dois-je aller vous saluer ? Je n'en n'ai pas vraiment envie. Pourtant ce serait uniquement de la courtoisie. Et puis en fait, non, je vais rester là. On verra bien ce qui se passera.

Ta curiosité et ton incompréhension m’intrigue, m’amusant presque. Presque, car s’amuser de choses si insignifiantes n’a plus aucun sens pour moi. Pense-tu que je suis comme toi ? Crois-tu que je suis un loup ? Je vous ai vu quelques fois. Vous avancez telles des ombres, se faufilant parmi les arbres, à la lueur du feu crépitant. Toujours, vous m’avez fait frémir d’effroi. Vos hurlements à la lune. Je semblais être le seul à vous voir, à vous entendre. Tous, dormaient sur leurs deux oreilles... Jamais vous n’avez attaqué, pourquoi ? Peur du feu ? Ou alors, peut-être vous êtes vous juste approchés par curiosité ? Finalement, je n’en sais pas vraiment plus sur toi, sur ton fonctionnement que toi sur moi. Je suis content qu’on ne soit pas obligé de se battre. Je ne me serais pas battu, tu sais. J’aurais préféré passer mon chemin, t’ignorer si le besoin s’en était fait sentir. Terres libres, peut-être, mais je pense que dans la tête de chacun, les clans, les races continuent d’exister. L’appréhension et la haine aussi. Mais tu n’aimes pas te battre, moi non plus. Je n’ai pas été habitué à ça. Auparavant jamais je ne me suis battu. Et toi ? Tu sais, ainsi je me pose beaucoup de questions, mais elles sortent rarement. Tu me demandes ce que je suis. Je dresse les oreilles vers toi. Je ne comprends pas. Que veux-tu savoir. Ma race, mon nom, mon caractère ? Je reste silencieux, incapable de répondre correctement. Du moins un court instant.

- Hum... Je suis un chien... Je m’appelle Yudashi.

Je me contente de ça. C’est peu, mais ce n’est pas dans mes habitudes de faire un roman pour chaque réponse. Je n’aime pas parler. Pour moi, on peut communiquer par tant d’autres moyens que la parole. Elle peut entraîner des confusions, et autres. Le jeu des silences et des regards est ce que j’aime. C’est mon domaine. Je m’y sens bien.

Soudain, le vent leur apporta une nouvelle odeur. Le visage du grand mâle se décomposa soudain. Et son cœur manqua un battement. Il connaissait cette odeur, pour l’avoir imprégnée au plus profond de son être. Il tourna légèrement la tête, d’un geste lent et désintéressé. Son regard ne prit qu’une ou deux secondes avant de tomber sur la fine silhouette qu’il aurait reconnu parmi tant. Bella. Il baissa les yeux, rien ne traversa son regard ombrageux.

Une foule de questions envahissent mon esprit. Que fais-tu là ? Pourquoi restes-tu si loin, alors que tu pourrais nous rejoindre ? M’en veux-tu, pour ce départ si précipité ? Crois-tu que je t’ai laissé pour me retrouver là, en face d’un loup ? Je ne sais pas ce que tu crois, mais ne reste pas là. Pars, ou viens. Mais ne reste pas là. Je détourne les yeux, et les pose sur toi, la louve. Quelle est ta réaction ? J’ai envie de me faire petit. De partir tant la compagnie de mes semblables m’effraie. J’aime quand tout est sous contrôle, que rien n’envahit ma bulle intime. Mais si tu es là, Bella, si tu es là, la louve, ça fait beaucoup n’est-ce pas ?

[J'ai l'impression de faire des posts minuscules à coté des vôtres... même que c'est pas qu'une impression ^^".]

Yûki resta silencieuse durant tout le temps que mit le mâle à lui dévoiler sa race et son prénom, ce qui n'était pas dans ses habitudes, elle qui était toujours si bavarde et enjouée. Mais là, elle avait 'impression que quelque chose avait gelé l'atmosphère, la rendant irrespirable et pesante. C'était de la tristesse, qu'elle sentait dans l'air ? De la mélancolie ?

Je trouve que tu as l'air triste. Pourquoi ? Est-ce qu'il y a des souvenirs qui te tourmentent, est-e que tu ne veux tout simplement pas parler avec moi ? Peut-être que tu n'aimes pas les loups, toi qui es un chien...

Yûki se souvenait à présent. Ces couleurs lui étaient familières, les aboiements aussi. Un chien. Un chien de traîneau, comme là-bas dans le Nord glacé, d'où elle était venue, elle aussi...

Yudashi, c'est ton prénom ? Joli nom. Tu sias qu'on vient du même endroit, tous les deux ? toi, que fais-tu ici ? comment es-tu arrivé ? Est-ce que je dois te dire qui je suis, à mon tour, te dévoiler mon nom ? est-ce que je dois être prudente et m'en aller directement ? Je ne sais pas vraiment quoi faire...

Yûki cessa brusquement de débattre avec elle-même. Pas la peine de passer des heures sur cet unique problème. Pas la peine de se torturer les méninges. La jeune louve ouvrir donc la bouche pour répondre... et sentit l'odeur du deucième chien. Aussitôt en alerte, Yûki redressa ses oreilles grises, puis les coucha en arrière. Un chienne. Un congénère de Yudashi, peut-être ? Une embuscade ? En terres libres ? Yûki n'était pas du genre à tirer des conclusions hâtives, mais avait du mal à s'arrêter et attendre...
Calme-toi, Yûki, tu l'as encore laissé s'échapper.
Il faut que tu te détendes.
Attends... ne bouge pas, attends qu'il vienne à toi...
Elle avait toujours tellement de mal à suivre ce conseil...

- Moi, je m'appelle Yûki. Lâcha-t-elle à l'adresse de Yudashi.

La jeune louve laissa passer un silence, puis, voyant que Yudashi réagissait à la présence de la chienne comme s'il ne s'attendait pas à la voir, elle se détendit un peu et ses oreilles reprirent leur position initiale. Ce fût d'un ton presque détendu qu'elle demanda :

- Toi... Tu viens du Nord, non ? De là où la neige recouvre la terre...

C'était plus fort qu'elle, il fallait qu'elle pose la question. Parlez-lui du Nord, de la neige qu'elle portait dans son nom, parlez-lui des forêts glacées résonnante des hurlements à la lune... Parlez-lui des terres de son enfance, dites-lui si vous les avez connues...

Tu daignes à peine me regarder. Je n'ai pas envie d'avancer. Pourtant il va bien falloir, maintenant que je suis là. Je ne passerai pas pour une lâche. Cette petite lumière qui je sais ta plu est toujours là en moi et pas prête de me quitter. Alors j'affronterai. J'affronterai la douleur & la rancune. Parce que je ne suis pas une lâche.

J'essaye de faire un effort. Je n'aime pas les gens tristes alors je tente de ne pas l'être. Mais c'est dur, tu sais. J'ai cru un instant qu'on était pareils. Mais il est clair que nous sommes bien trop différents. Toi, tu refuses la compagnie. Moi, je la cherche. Comment aurions pu nous entendre ? J'ai été stupide. J'aurais du m'en douter.

Lorsque la chienne bicolore s'approcha d'eux, le déclic se fit et rompit le "charme". Yûki se redressa d'un coup et bondit sur ses pattes, dans une attitude non pas agressive, mais méfiante. Ses oreilles restaient mobiles ses yeux gris perles fixés sur la chienne la détaillaient de la tête aux piedS. Elle avait le même pelage blanc et noir que Yudashi, bien que sa fourrure soit plus longues. Etait-ce une couleur répandue chez les chiens ? Yûki n'en savait rien. Elle hésita, balançant son poid plume d'un pied sur l'autre, puis secoua la tête. Elle aimait bien les yeux dorés de la chienne. Certains loups les avaient de la même couleur. Mais, consciente que la scène regardait plutôt Yudashi et l'autre canine, elle ne dit rien.

[désolée pour la taille, mais je dois y aller. Si personne n'a répondu quand je reviens, j'éditerais ^^]

[ N'oublie pas Yûki, j'ai mis l'odre un peu plus haut, c'est Toi-Bella-Moi, donc normalement c'était moi maintenant xD ]

De là où tu es, je n’arrive pas à voir cette lueur dans ton regard, si caractéristique et si particulière. Mais j’arrive à remarquer que l’ambiance n’est pas au beau fixe, que la joie que j’ai connue dans tes yeux est aujourd’hui moins présente. Es-tu heureuse de me voir ? A cet instant j’en doute. J’ai l’impression... Non, ce n’est plus une impression, c’est quasiment une affirmation. Tu m’en veux. Tu me regardes comme si tu faisais face à deux étrangers, et ça me touche plus que ça n’aurait du. Je t’en prie, fait quelque chose, viens me rejoindre. Viens nous rejoindre. Aller, ne me tire pas la tête, souris moi. J’aime ton sourire, tu sais. J’irais même jusqu’à dire qu’on aime tous ton sourire. Petit ange, tu es comme un rayon de soleil, alors je t’en prie, je veux voir cette douceur naturelle, cette tendresse, et cette joie qui te caractérisent tant. Soudain, tes paroles, la louve, m’intriguent, autant qu’elles me repoussent. Petite louve, Yûki, tu joues avec le feu. Tu me parles de ces terres que tu sembles connaître, et je frémis. De là où la neige recouvrent la terre. Je pose mon regard, mon œil unique sur toi. Que te répondre. Nier en bloc, plutôt que de faire face, et d’épiloguer un peu sur cette terre qui me fait tant rêver, alors qu’elle m’a fait tant de mal ? Comment peux-tu comprendre que l’amour d’un maître à son chien, sa protection, est sa source de vie ? Comment t’expliquer que d’un instant à l’autre, on peut tout perdre ? Je ne te l’expliquerai pas, pas encore, ce sera plus simple ainsi.

- Oui. Je tirai des traîneaux. Pour le plaisir des humains. J’ai aimé le faire. Pourtant je suis ici, en face de toi.

Son regard ne la quitte pas. Mais il semble absent. Il est totalement impénétrable, presque insensible. Mais le ton dur, presque mauvais qu’il avait employé devait lui mettre la puce à l’oreille. Ne lui parlez pas du nord... Ne lui parlez pas de la neige, des forêts glacées, de ces hurlements à la lune... Ne lui parlez pas des terres de son enfance, ne lui dites pas que vous les avez connues...

J’estime en avoir trop dit. Trop dit et en même temps pas assez. Je sais que tu voudras peut-être savoir. Je sais que tu as peut-être envie de savoir la vie que menait les chiens, dans ces terres que tu sembles connaître, toi aussi. Nous avons peut-être vécu là-bas, mais nos vies sont différentes. Tu as toujours connu la vie sauvage, et je t’envie. Je ne veux pas que tu lises quoi que ce soit dans mes yeux, tout comme je veux que tu gardes tout ce que tu sais sur ce Nord pour toi. Je veux qu’on parle du temps, de la vie d’ici, et de toi. Mais évitons le pays où la neige est éternelle, et où le cri des mushers semble résonner au loin, de jour comme de nuit. C’est pour cette raison que je détourne les yeux. Je les pose sur toi, mon amie. Je sais que je ne le suis peut-être pas pour toi. Peut-être t’es-tu trop vite fait une opinion de moi, et que tu as reçu une claque, qui t’as ramené à la réalité. J’espère que ça n’a pas fait trop mal, que ça pas été trop brusque.

- On ne va pas te manger.

Je frémis, espérant que mes paroles non pas été trop crues. Tu sais, je suis maladroit. J’espère que tu prendras cela comme une invitation à nous rejoindre, et non comme une réflexion amère. Pourtant je ne fais que te renforcer dans l’idée que tu te fais de moi. Dans l’idée que tu te fais de nous.

[Merci ^^ (je recommencerais pas), j'édite demain, promis Wink

]

[ J'essayerai de vous répondre avant vendredi, mais je ne promets rien. ]

[Jauge d'inspi en baisse vertigineuse T.T]

Yûki pencha doucement la tête sur le coté gauche d'un air perplexe aux paroles du grand mâle. Elle les médita quelques instants, faillit poser une question, mais les intonations dans la voix de Yudashi l'en empéchèrent.

Qu'est-ce que tu as ? Ce sont les souvenirs de cette terre que j'aime tant que tu ne veux pas raviver ? Pourquoi ?

La petite louve hésita sur la conduite à suivre, mais Yudaki appella soudain l'autre chienne qui les observait de son regard doré. Magnifique couleur, trouvait Yûki. Elle alla poser son propre regard, gris perle, sur la chienne, et s'assit dans la neige sans faire le moindre bruit. Sa queue balaya lentement la poudreuse blanche, dans l'attente de la suite...

Je ne veux pas renouer quoi que ce soit avec toi. J'ai espéré trop vite, j'aurais du apprendre la leçon. Tous les chiens sont comme ça. Pourquoi aurais-tu été différent des autres ? Réveilles-toi, pauvre Bella, ici, il va falloir être égoïste. Mais c'est si dur, et j'ai tant besoin de quelqu'un... J'aurais pensé que... Pfff.

Ca fait longtemps que je n'ai plus rien montré à qui que ce soit. Te doutes-tu de cette flamme en moi qui ne demande qu'à exploser ? Qui ne demande qu'à courrir, courrir, courrir... jusqu'à m'écrouler de fatigue, la langue pendante et le coeur battant ? Lorsqu'on court, qu'on sent le vent dans nos poils, qu'on s'ennivre des odeurs de la nature, tous nos problèmes s'envolent. Est-ce que tu as envie de courrir à mes côtés, toi aussi ?

Le grand mâle ne la quittait pas des yeux. Il la suivait, dans chacun de ses mouvements, comme s’il l’accompagnait. A défaut de pouvoir lui parler comme il voudrait, il se contente de la regarder, intensément, bien qu’elle ne croise pas vraiment son regard. Il ne la comprenait pas, mais l’interdisait de le repousser ainsi.

Tu es injuste. Je t’ai écouté, quand tu m’as parlé de toi. J’ai accepté ton histoire, tes craintes et tes remords. Je n’ai rien dit, je ne t’ai pas jugé. Je t’ai comprise, pour avoir vécu quelque chose de semblable. Pourquoi te permettais-tu de me juger, toi ? Tu ne sais pas ce qui me retient et ce qui m’oblige à m’en aller vers le nord. Que voulais-tu au juste ? Je ne suis qu’un vagabond à qui il ne reste plus que sa liberté, et ses espoirs non fondés. Que cherche-tu à m’enlever ? Prends moi donc comme je viens. Je ne te mens pas tu sais. La belle, je n’ai pas cherché à te tromper. Je n’ai pas menti non plus. Ce n’est pas à toi que j’ai menti. C’est à moi. J’ai espéré pouvoir rejoindre ce monde, ce pays que j’aime. Je n’y parviendrais pas, je le sais. J’aurais voulu que tu me laisses espérer, même si ça ne me conduirait nulle part. Qu’est-ce que ça pouvait bien te faire, que je cherche à rentrer chez moi ? Pourquoi voulais-tu que je reste ici ? Une colère sourde monte en moi, et avant que je n’aie pu la contrôler, je ne peux m’empêcher de nouveau de te dicter le fond de ma pensée. Tu es arrivée un jour, tu m’as parlé de toi, mais est-ce que cela était suffisant pour que mon chemin s’arrête là ? Cette rencontre était-elle suffisante pour me faire renoncer à tous mes projets. Crois-tu que quelques minutes pouvaient suffire, que ta rencontre pouvait à elle seule me retenir ici ? J’en ai douté.

- Si tu viens vers nous juste parce que je te le demande, juste parce que tu t’en sens obligée, vas-t-en.

Je sais que j’ai tord. Tu as raison. Mon pays ne m’apportera rien. Il faut que j’apprenne à vivre ici. Retourner à mon passé n’a rien a m’apporter... Mais je ne voulais pas que tu interviennes, que tu voiles mes doux rêves. Tu l’as fait. Que me reste-t-il, dis moi ? Si je m’écroule demain, aurais-je ne serait-ce qu’un regret ? Manquerais-je à quelqu’un ? Il ne me reste rien, ma belle...

Il ne veut pas qu’elle s’en aille. Non, pas réellement. Ses paroles sont démesurées, il veut qu’elle reste, même s’il ne s’en rend pas compte. Il aime courir, lui aussi. Défier le vent et les étoiles, défier les cieux... Mais peut-être un jour se contenterait-il de la défier elle ? Ils pouvaient vivre de beaux moments. Devenir des amis. Ils le pouvaient, s’ils y mettaient du leur. Il ne la quitte pas des yeux. Il la dévisage de son regard impénétrable et indéchiffrable.

Tu ne cherches pas à croiser mon regard, je soupire. T’est-il si facile de tirer une ligne sur notre amitié ? Naissante, certes, mais elle s’annonçait si belle... Je te quitte du regard brusquement. J’ai compris que tu ne cherchais pas mon regard. Pire encore, que tu le fuyais. Je me tourne vers toi alors, la louve. J’aimerais que tu me dises ce que tu sais. Ce que tu sais de ce pays que tu connais. Mais je ne te le demanderai pas. Je n’y arrive pas.

Yûki assista avec étonnement à la scène entre les deux chiens aux couleurs semblables, quoique différemment placées. C'est alors qu'elle reconnut Bella, la chienne sur laquelle elle était tombée en pleine patrouille le long de la frontière. Celel qui avait l'air de fuir. A ce moment-lo, Yûki s'était demandée pourquoi Bella lui donnait cette impression. Est-ce qu'elle fuyait son clan ? Est-ce qu'elle fuyait ses semblables ? Est-ce qu'elle fuyait quelqu'un en particulier ? Toutes ces questiosn et la scène devant ses yeux la ramenaient à une, plus importante, ultime, unique.

Bella... tu fuyais... Yudashi ?

Yûki baissa la tête, ne voulant pas se mâler de ce qui ne la regardait pas. Elle essayait de trouver un moyen de partir discrètement, pendant le dialogue silencieux des deux chiens, lorsqu'elle sentit peser sur elle les yeux bleus du huski (comment on écrit ça ?) bicolore. La louvette releva timidement la tête. Lorsque son regard gris perlé rencontra le bleu du ciel, elle comprit ce que le chien n'osait pas lui demander. Elle comprit sans comprendre. Au fond, tout au fond de son esprit. Ce fut comme un déclic, et elle se mit à parler, mal à l'aise, en détournant le regard et la tête. Mais avec toute la flamme de celle qui aime cet endroit qu'elle conte.

- Là-bas... La neige recouvre la terre nuit et jour, lune après lune, années après années. Elle tombe la nuit en silence sur les forêts de pins qui élancent vers le ciel leurs pointes comme un défi aux dieux. Là-bas, ce ciel est pur et beaux, bleu quand il fait beau, blanc sous la neige, gris aux nuages et noir à l'orage. Là-bas, les hurlements de mes frères résonnent dans les bois pendant que coure le gibier ou chante la lune. Là-bas retentit le cri des hommes qui glavanisent leurs chiens afin de les rattraper, comme une course ou une poursuite nocturne sans fin. Là-bas est un pays libre, sans loi, où chacun trouve ou ne trouve pas sa place. Là-bas est mon pays d'origine comme le tien, le seul que mon coeur ait jamais pu garder...

Et toi ? Les aimes-tu encore, ces chant, ces forêts, ces neiges éternelles qui forment les glaciers et enveloppent les montagnes ? Aimes-tu toujours la vie qui bat là-bas, comme un feu sauvage réduisant l'esprit à néant ?

Ca fait mal. Non, pas tes paroles, parce que tu as raison. Parce que mon attitude est minable et que tu ne mérites pas ce que je suis en train de te faire subir. Parce que j'ai toujours été douce avec tout le monde et que je suis trop dure avec toi. Parce que je n'ai pas le droit de te demander de rester alors qu'on se connaît à peine. Parce que je n'ai pas le droit de te demander de supporter avec moi le poids de mon histoire. Non, ce qui fait mal, c'est de me sentir si loin de toi, de vous. Je te regarde, je regarde la louve et je l'écoute parler de son pays. De votre pays. De ce pays dont je ne connais rien car je viens de plus loin, je viens de la ville, là où la seule liberté son les troupeaux de moutons une journée par semaine. Là où il faut faire des kilomètres en voiture pour trouver une forêt et s'y défouler en gardant toujours un oeil sur le maître qui vous surveille. Je n'ai jamais connu les grands espaces, les odeurs ennivrantes, je n'ai jamais pu et je ne l'ai jamais regretté jusqu'à maintenant. Parce qu'entre vous deux je me sens intruse, comme si je n'avais rien à faire là. Qu'ai-je donc à partager avec toi, avec vous ? Nous sommes tellement différents.

Je n'ai pas le droit de te retenir, et pourtant Dieu en qui je ne crois plus sait que j'aimerais tant. Si tu veux t'en aller, vas-t-en. Tu sais aussi bien que moi qu'ils n'ont plus rien à t'apporter. Même si les Hommes me manquent, jamais je ne me redonnerai à eux. Plus jamais ils n'auront ma confiance, ils sont trop cruels. On ne rencontre qu'une seule fois dans sa vie le Grand Amour Humain et on a tous les deux perdu le nôtre. A quoi bon courrir après le passé, Yudashi ? Cesse donc d'avoir de faux espoirs et prend la vie comme elle vient. La vie est belle, tu sais. Avec ses problèmes, ses peines et ses colères. N'est-ce pas merveilleux d'être ici, d'être en vie, de pouvoir regarder le soleil, courrir après l'aigle qui te survole, t'asseoir pour regarder les étoiles et parler avec tes ancètres ?

" Je suis désolée. J'aurais pas du agir comme ça avec toi, Yudashi. C'était stupide de ma part de vouloir te retenir. Mais tu sais, je n'ai plus vu personne depuis si longtemps, alors j'espérais... Je sais pas ce que j'espérais. J'ai plus envie d'avoir à affronter le monde seule, c'est trop dur. Ce monde que tu as connu est différent du mien. Je n'ai jamais connu la liberté. Mon coeur était au bout d'une laisse. Toi... Non, vous... vous avez tellement de choses en commun. Je n'ai jamais entendu le hurlement d'un loup, jamais vu la lueur d'une montagne. Tout ce que je voyais moi, c'était la tristesse des chiens enfermés ou le bonheur de mon Maître adoré. Quand je l'ai perdu j'ai tout perdu. J'aurais tout donné aux Hommes et ils m'ont tout prit. Alors être projetée ici, sans personne à suivre, je sais pas faire. Je suis désolée. J'avais pas le droit de te demander ça. J'avais pas le droit de vouloir te suivre. "

" Alors si tu ne veux pas suivre le même chemin que le mien, soit. Poursuivons chacun de notre côté. Mais à toi, et à toi aussi Yûki, je vous demanderai juste une chose avant que nos chemins nous séparent. Parlez-moi de là où vous venez, Parles-en encore, Yûki, s'il te plaît. Peut-être que ça m'aidera à apprivoiser ma nouvelle liberté que j'ai tant de mal à gérer... "